dimanche 20 décembre 2015

Iphigénie 2012

Ma bible, c'est l'Iliade et l'Odyssée. Dans les Best-Sellers des derniers millénaires, je préfère les aventures d'Ulysse, Hélène, Agamemnon, Pâris, Priam, Achille... Ces héros sont manipulés par des dieux multiples et imparfaits, sans morale: Zeus, Héra, Athéna, Arès, Neptune... jouissent de leur vie céleste sur le Mont Olympe; trop occupés à leurs propres affaires, ils s'amusent de temps en temps avec les êtres humains, leur administrant peines et joies puis les laissant se débrouiller avec; ce en quoi je les trouve bien plus réalistes, plausibles et accessibles, attachants, que ce bizarre grand dieu vengeur et masculin qui fait sa pub, barbu et moralisateur qui, soi-disant, voit tout et nous promet des tas de lendemains qui chantent, lendemains qu'on demande à voir.



...En particulier dans l'Iliade, l'histoire d'Iphigénie me bouleverse depuis toujours. Cette jeune femme au printemps de sa vie, belle, fine, gage de vie, de fertilité, de création, de beauté, de potentialités prêtes à s'épanouir, doit être sacrifiée, mise à mort par son ... propre père, qui ainsi, selon le devin, bénéficiera du vent qui permettra à sa flotte d'aller taper sur les Troyens.

Un père doit tuer sa fille pour sa patrie - ô épouvantable et cornélien dilemne, c'est la tragédie; Iphigénie, pourtant, n'hésite pas : Père, puisqu'il faut se sacrifier pour la patrie, j'y vais, sans larmes, et honorée.

Je me suis toujours demandée qui était Iphigénie, qui pourrait être son personnage équivalent dans notre monde moderne, jusqu'à ce qu'aujourd'hui, je comprenne enfin qu'Iphigénie, c'est une abstraction, c'est l'innocence; c'est nous, le peuple, la chair à canon, la fleur de l'innocence envoyée à la boucherie par ses propres parents. Ce ne sont pas les vieux qui font la guerre - eux en décident - ce sont les jeunes. Les jeunes sont forts, ils y croient. Ils veulent être des héros, se battre pour des causes. C'est toute leur noblesse. Ils meurent au front.

Différents auteurs, des centaines d'années après Homère, ont édulcoré la fin de l'histoire: au moment du sacrifice, Iphigénie est remplacée par une biche, ou une colombe. Mais le mythe reste cruel et implacable: Chronos continue à bouffer ses enfants.

Juin 2012